lundi 20 juin 2011

Inégalites en Inde (3): Ou sont les filles?


Ce post va me permettre de faire d’une pierre deux coups : vous parler (un peu) de mon stage et discuter un peu d’un autre aspect de la société indienne : la discrimination envers les filles. Comme je l’avais dit plus tôt, je travaille sur la santé dans un village de l’Uttar Pradesh. Apes avoir décrit l’état général de santé (très mauvais) du village, je travaille maintenant sur la mortalité infantile. Pour se faire, j ai change de questionnaire pour étudier un questionnaire qui était entièrement dédie aux femmes.  Je vous conseille le rapport d’une stagiaire sur les femmes (http://www.csh-delhi.com/publications/downloads/articles/Women_rosalinda_coppoletta.pdf), c’est en anglais mais très clair et intéressant (et compréhensible pour les non-économistes). Je reprends quelques faits  sur Palanpur: 83% des femmes sont illettrées, les femmes ont une autonomie extrêmement limitée, la plupart ne se connaissent pas et n’ont pas d’amis, et souvent elles n’ont pas le droit de se déplacer seules, même pour voir le médecin du village. Ce qui m a choquée le plus, c’est que 60% sont battues par leurs maris et (pire !) 75% pensent que c’est légitime qu’il la batte si elle a été désobéissante ou n’a pas fait les taches ménagères. Je vous laisse lire le rapport de Rosalinda pour plus de détails… Mais revenons-en a la mortalité infantile, qui est le nombre d’enfants morts avant leurs 1 an divisé par le nombre d’enfants nés dans l’année. C’est une mesure assez utilisée comme indicateur général de la sante et du développement d’une population.  L’Inde se range aujourd’hui 51e mondial  avec une mortalité infantile de  47.57 pour 1000 (en France : 3.29…). A Palanpur, après avoir fait quelques petits tours de passe-passe statistiques (et après avoir galéré a comprendre les « survival statistics »), j’ai trouvé une mortalité de 93 pour 1000 sur la dernière décennie. Il y a donc un enfant sur 10 qui meurt avant un an, et cela ne prend même pas en compte les fausses couches ou les mort-nés. Diarrhée, tétanos, magie noire, fièvre sans possibilité d’aller consulter un médecin…diverses raisons sont avancées par les familles. 

Mais ce qu’il y a encore de plus surprenant, c’est ce graphique que j’ai fait, et dont on retrouve la tendance dans l’Inde ne général. En ordonnée, la probabilité de survie d’un enfant. A partir de un an, quel décrochage pour les filles….Je me suis demandée pourquoi ce n’était pas le cas avant un an mais que nenni ! Dans le reste du monde, les filles sont plus résistantes que les garçons et la mortalité des garçons est partout supérieure a celle des filles (comme exemple : le Pakistan avec 60 pour 1000 pour les filles vs 66 pour les garçons et la Chine avec 16.6 pour les filles vs 25.3 pour les garçons). Donc, pas d’inquiétude, les filles meurent aussi de façon anormale avant un an a Palanpur (et en Inde en général), car elles devraient avoir une courbe de survie au-dessus de celle des garcons, ce qui n’est pas le cas. Pourquoi cela ? Les filles sont moins bien nourries, sont moins emmenées chez le docteur si nécessaire etc. Avoir une fille à marier est en effet un fardeau pour les familles, car elles doivent apporter une dot conséquente (c’est la première cause d’endettement en Inde), les filles ne gagnant pas non plus de revenus, et quittant le foyer familial au mariage…c’est une perte à tous les niveaux. Cela parait assez optimiste de la part de l’Inde de vouloir baisser la mortalité infantile tout en augmentant l’égalité homme-femme (deux choses liées aux Objectifs du Millénaire pour le Développement) sans s’attaquer a ce système de dot… Je pourrais écrire encore des pages et des pages sur ce sujet mais je dois retourner à l’écriture de mon rapport, mon stage se terminant dans une semaine.  Je suis contente que cela se termine, j’ai beaucoup appris, mais c’est perturbant et démoralisant de traiter des bases de données ou  presque toutes les lignes vous avez une indication « famille n. 10112, enfant n.2 mort de rougeole,  enfant n.4 mort de diarrhée, enfant n.7 et 8 mort-nés… ».  Il en faut des gens pour passer leurs journées devant leurs ordis à commenter ca, je comprends que ca puisse être stimulant intellectuellement, mais j’ai l’impression d’être totalement déconnectée de la réalité, dans mon bureau climatisé à traiter avec tout le détachement que ca nécessite des sujets aussi graves.

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